Edouard Borie

Beaucoup d’entreprises issues de la restauration sous-estiment l’importance du bien-être psychologique de leurs employés, ce qui peut provoquer à terme des absences, des retards, des conflits et bien d’autres.

Maurine Merviel (en fin de cursus de psychologie) va nous donner quelques facteurs clés pour que les équipes sur le terrain soient  plus épanouis. Interview.

Présente-toi brièvement, formation, projet pro, mémoire?

Maurine MERVIEL, j’ai 26 ans, je suis en dernière année d’étude M2 psychologie sociale et RH afin d’obtenir le titre de psychologue du travail. Je réalise actuellement un audit d’absentéisme national pour le groupe SSP France depuis 6 mois.

maurine

Pourquoi la restauration?

Pourquoi pas ! Ma discipline s’oriente vers tous domaines d’activité. Là où il y a des hommes, il y a de la psychologie du travail. Il s’agit d’étudier le rapport homme/organisation. La restauration est un domaine intéressant car elle regroupe un savoir faire particulier, des horaires atypiques, des conditions de travail parfois difficiles… qui obligent à s’adapter, à être créatif.

L’opportunité de pouvoir proposer des solutions à une organisation aux prises avec ce genre d’obligations est un challenge motivant, où travailler tard ne veut pas forcement dire être stressé.

Quels sont les principaux problèmes rencontrés par les employés dans la restauration?

Les problèmes sont diverses, et plus en fonction du statut de l’employé. Les personnes travaillant dans la restauration de manière générale aime leur métier, le contact avec la clientèle, le mouvement… Il accepte donc très bien les conditions de travail inhérentes à ce métier.

Un des problèmes qu’ils rencontrent sont majoritairement lié à une organisation de vie, lorsqu’un enfant arrive dans
la famille par exemple, cela nécessite une organisation différente à laquelle il faut etre préparée et où le soutien de l’ensemble de la famille est nécessaire. Du coup, c’est un métier souvent définit comme passionnant, mais contraignant.

Tu as réalisé une étude sur l’absentéisme et le présentéisme dans la restauration. Quelles sont les tendances actuelles, en France et dans la restauration? Y a t-il des différences notoires entre les employés? jeunes/vieux? femme/homme?

La restauration et l’agroalimentaire ont toujours été les mauvais élèves des indicateurs RH, à savoir l’absentéisme (absences au travail) et le turn-over (départ de l’entreprise). Et c’est toujours le cas. Particulièrement en France, elle même plus mauvaise élève au monde sur l’absentéisme. Néanmoins, est-ce totalement alarmant ? Pas forcément !

La restauration est par définition un métier qui regroupe différents profils d’employés, de l’étudiant aux spécialistes de l’hôtellerie. Il parait donc normal qu’un étudiant ne s’implique pas de la même manière qu’une personne experte dans ce métier, et pourtant pour les mêmes taches. Même si l’étudiant est motivé il ne s’agit pour lui que d’un passage.

Au delà du clivage jeunes/anciens, homme/femme, on observe alors plusieurs profils. Les personnes jeunes, étudiantes où non qui s’impliquent différemment dans le métier, qui ont pour obligation de se mettre à la hauteur des experts, souvent en apprenant « sur le terrain ». Ce type de profil présentera souvent des absences de courte durée, pour s’extraire ponctuellement d’une situation de travail jugée stressante, fatigante moralement…

L’autre grand profil sont les personnes avec plus d’expériences, souvent plus âgées, expert dans le métier, qui  vont être plus exigeantes sur l’organisation des plannings, des temps de pauses, car ils subissent ces problèmes dans l’organisation de leur vie privée et professionnelle. De plus, avec l’expérience ils connaissent mieux leur rythme moral et physique et savent qu’en « saison » il ne s’agit pas d’être fatigué. Pour eux les absences sont plus liés à une « stratégie » d’organisation.

Quels sont les principaux points à améliorer pour que les équipes soient motivées et impliquées dans leur travail?

Le principale point à améliorer dans la restauration est la gestion de ces différentes populations pour un même travail. A savoir, étudiant, employé courant, expert etc. Beaucoup d’entreprise dans ce domaine ont compris que la gestion particulière de ses profils permet de proposer un service « optimum » 12 mois de l’année pour les clients, mais permet également, de développer une vision d’avenir solide pour l’entreprise et des plans de carrière enrichissants.

Évidemment, il y les conditions de travail, mais les entreprises depuis quelques années ont déjà fait beaucoup d’efforts en ce sens, grâce aux politiques « sécurité » etc. c’est donc un chantier déjà bien avancé en général.

Les jeunes sont nombreux a évolué dans ce secteur, ont -ils des perspectives d’évolution?

Ils en ont beaucoup, mais ne le voient pas en général. La restauration est un des métiers qui peut vous faire passer « d’opérationnel » à « manager » ou à une « fonction support » très rapidement selon vos compétences. La restauration peut se targuer d’être un domaine qui valorise encore les compétences des salariés au delà des diplômes et voies royales traditionnelles. Mais les jeunes ne le perçoivent souvent que tardivement ou en prenant du recul.

Quelques conseils à des futurs managers?

Ne négligez pas l’aspect relationnel de vos fonctions. J’ai beaucoup entendu de managers me dire qu’ils n’etaient pas prêts, ni formés à ce rôle de conseiller, voir de soutien de leurs collaborateurs. Les managers ne perçoivent pas, souvent, que dans leurs fonctions ils sont aussi amenés à réconforter leurs salariés qui entrent en pleurs dans leur bureau pour X ou Y raisons. C’est ça aussi d’encadrer une équipe, créer un climat social qui permet l’atteinte d’objectifs ambitieux.

Pour toi quelle entreprise se rapproche le plus de l’entreprise idéale d’un point de vue psychologique?

La notion « d’entreprise idéale psychologiquement » n’existe pas. En revanche, de plus en plus, on parle de la notion de bien-être au travail et de partage de valeurs entre le salariés et l’entreprise. Les entreprises ont un défi en deux versants: répondre à des objectifs chiffrés et permettre aux collaborateurs de s’épanouir dans leurs fonctions.

C’est sur ce principe qu’ont été crées les nouvelles obligations de formations : DIF, VAE etc. D’ailleurs, l’entreprise Disneyland Resort investit dans une vraie politique sociale d’implication de leurs salariés en instaurant des objectifs de formation ambitieux. Par exemple, 16% de leur masse salariale est allouée aux formations au lieu des 1,6% obligatoires pour les entreprises de plus de 300 personnes.

Il y a une vie au travail et avec son entreprise ou collaborateur. Les sociétés qui mettent en avant cette notion s’approche le plus d’un échange « psychologique » enrichissant sous forme de compétences partagées, de bien être au travail, d’épanouissement professionnel en somme.

Que peut-on te souhaiter pour la suite?

Encore beaucoup de challenge, de défi, de conseils pour des sociétés en questionnement sur les potentiels humains. Car sans les hommes il n’y a souvent pas de chiffre d’affaire. L’etre humain est un inconditionnel de l’économie. Le chiffre c’est bien, mais l’homme qui le permet vaut plus…

Merci à Maurine d’avoir répondu à ces questions, je te souhaite bonne continuation!


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